Ces enfants malades… de G. Devroede et A. A. Schützenberger

Ce livre donne la parole au corps, en s’attachant spécifiquement aux troubles digestifs fonctionnels. Les enfants malades de leurs parents seraient des enfants dont le corps des parents a imprimé ce que ces derniers n’ont pas exprimé. En agissant ainsi, ils ont transmis leurs blocages à leurs enfants qui, telle leur catharsis, le manifestent par des troubles physiques, notamment au niveau digestif. C’est ainsi qu’apparait la Psychogénéalogie, cette pratique qui étudie la généalogie avec un regard psycho-émotionnel pour faire des liens entre des troubles ou comportements répétitifs d’un parent à son enfant, voire à son petit-enfant. L’objectif est de mettre en avant et essayer de dénouer les troubles que cela a entrainés, souvent sur plusieurs générations.

Ce livre a été rédigé à quatre mains : par la fondatrice de ce courant, Anne Ancelin Schützenberger, et un chirurgien spécialiste des troubles digestifs, Ghislain Devroede. Ensemble, avec beaucoup de pertinence, ils essayent donc de mettre en lumière les origines souvent mystérieuses et complexes de la panoplie des maux de ventre. Le but est de conscientiser et tenter de dénouer les troubles fonctionnels chroniques, qui vont de la « simple » constipation aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (les MICI), sur lesquels la médecine reste pantoise.

Les troubles digestifs fonctionnels sont donc largement abordés, plus spécifiquement les troubles du transit, et permettent de réfléchir à l’aspect psychologique des maux de ventre. Pourquoi le ventre devient-il la zone sensible de certains tandis que d’autres ne rencontrent aucun problème ?

Ce livre met en évidence l’impact crucial du parcours de chaque personne, en lien avec ce qu’elle a vécu au sein de sa famille, mais aussi ce qu’ont vécu ses parents, voire grands-parents bien souvent. Des propos concis sur l’importance de lever le voile sur les non-dits et notre passé, celui de notre famille, nos ancêtres. Leurs histoires, cachées, rendues secrètes, mal vécues ou jamais acceptées peuvent avoir un impact physique et psychique sur plusieurs générations après eux, après nous.

Ce livre est intéressant pour s’intéresser à notre propre histoire et notre vécu. Il tente ainsi de mettre de la lumière nos zones d’ombre pour mieux comprendre qui l’on est et accepter toutes nos composantes. Par ailleurs, l’intérêt secondaire de ce livre, bien que non explicité comme tel, me semble aussi être la conscientisation de l’importance de la parole. De fait, savoir communiquer ce que l’on vit et ressent est essentiel afin de fluidifier nos pensées, les exprimer pour éviter que notre corps imprime des traumas.

Cela étant dit, le bémol est que l’on ne pourra jamais tout savoir sur le vécu de nos aïeux et cette approche a donc des limites que le livre n’évoque pas. Par ailleurs, on rencontre un certain nombre de répétitions et d’insistances, surtout sur les abus sexuels. Certes, ceux-ci ont le mérite d’être abordés sans tabous, ce qui est essentiel pour les personnes en ayant subi. Mais en cas contraire, cette lecture peut amener un peu trop facilement à la remise en question de notre passé sous ce jour. Cela étant, tout un chapitre aborde les abus symboliques, en somme ce qui est vécu comme un traumatisme pour le corps qui en gardera la mémoire et se refermera dessus. Or, il me semble pertinent de comprendre nos réactions physiques spontanées sous ce jour.

Je résumerai donc cette lecture comme intéressante pour approfondir la compréhension des troubles digestifs avec une approche psycho-émotionnelle qui me semble inévitable lorsque l’on fait face à des troubles chroniques. Mais je mettrai en garde le lecteur sur l’importance de ne pas prendre au pied de la lettre l’ensemble des arguments évoqués et se fier, avant tout et par-dessus tout, toujours, à son propre ressenti et savoir s’en tenir à sa réalité personnelle.

Titre complet : Ces enfants malades de leurs parents

Parution : 2005

Éditions : Payot & Rivages